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Auteur
Audrey Contesse

Publié le 09/10/2018

Allier procédure et processus

© WBA

"La scène belge est gage de qualité, d’humanisme et de poésie" peut-on lire dans le numéro 425 de l’Architecture d’Aujourd’hui, dévolu à l’architecture belge. Il est vrai que depuis une dizaine d’années, une qualité spatiale émane particulièrement de l’architecture en Wallonie-Bruxelles. Elle est le fruit d’une alliance entre une démarche architecturale spécifique, axée sur le processus et la maîtrise de la construction, et une politique architecturale volontariste.

Cette démarche de projet s’est développée depuis une trentaine d’années autour de la commande de la maison. Commande la plus répandue, puisque tout belge qui se respecte, veut construire sa maison, et qu’un architecte est légalement requis même pour l’érection d’une simple extension. Une démarche centrée sur l’utilisateur et fondée sur le ‘faire avec’. Faire avec le contexte existant, avec un budget souvent maigre et surtout, avec le futur utilisateur. Discuter, analyser la commande, la remettre en question, la définir, l’affiner, la concevoir, puis la réaliser avec une maîtrise de la mise en œuvre enseignée dans les universités belges, qui reste entre les mains de l’architecte jusqu’à la livraison de la construction. Cet accompagnement, à la fois de la commande et de son commanditaire, appris grâce à la petite échelle, a servi les architectes au moment de la mise en concurrence de la réalisation des ouvrages publics, rendue obligatoire en 1993 par les instances européennes. Une nouvelle commande s’ouvre alors, encadrée par des procédures balbutiantes. Elles ressemblent plus (et c’est encore le cas actuellement pour certaines d’entre elles) à la formulation d’une question assortie d’un budget (bas en général) qu’à celles d’un concours ‘normé’ tel que conçu en Suisse ou en France. Or, c’est bien là, dans cette absence de clarté de la commande que s’immisce l’ingéniosité des architectes. C’est dans ce travail d’accompagnement de la commande que l’architecte prend possession du projet jusqu’à sa mise en œuvre. Cette démarche, partagée par plusieurs bureaux, engendre que l’architecture contemporaine en Belgique ne soit pas une question de ‘style’ ou le fruit de ‘stars architectes’, mais qu’elle soit une réponse précise, engagée et propre à chaque commande.

Le revers est cependant palpable et met à mal les bureaux d’architecture belges souvent de petites tailles. Ce travail en amont devient parfois trop important et n’est que rarement reconnu financièrement. Le ‘faire avec’ se transforme alors en ‘faire malgré’, également du fait de l’évolution du contexte de la construction ces quinze dernières années. ‘Faire’ cette architecture qui prend position et qui est gage de qualité ‘malgré’ le peu de budget, le trop de contraintes normatives, le manque de reconnaissance du statut d’architecte, la démultiplication des recours juridiques, etc.

Et pourtant, cette démarche et son résultat ont très vite été soutenus et valorisés. Cette ‘qualité architecturale et spatiale’ est devenue, un leitmotiv, et même un combat, depuis vingt-cinq ans, pour certaines personnalités du monde architectural belge. Elles ont profité de la mise en concurrence pour l’y introduire. Entendues par le politique, des structures publiques ont pu voir le jour pour assister la maîtrise d’ouvrage publique ou privée devant procéder à des marchés de service d’architecture. Chaque région et chaque communauté se dotent de leur structure : le Vlaams Bouwmeester en Flandre (1999), la Cellule architecture en Fédération Wallonie-Bruxelles (2007), le Bouwmeester-Maître Architecte à Bruxelles-Capitale (2009). Certaines villes ont même souhaité établir ce type de structures à leur niveau, comme Anvers (1999), Charleroi (2013) et Gand (2017). Ces structures proposent des procédures fondées principalement sur des critères de qualité – tels que l’habitabilité, l’urbanité, l’approche technique, etc. –, plaçant le critère budgétaire en dernière position. Elles bannissent également les concours anonymes pour favoriser les procédures concurrentielles avec négociation. Le commanditaire a ainsi l’opportunité de choisir un projet et une équipe de projet.

De la même façon, des procédures pour activer la rénovation urbaine, basées sur la concertation, émergent. Elles misent sur cette démarche architecturale qui répond également aux défis actuels du réemploi de l’existant (structures, matériaux, etc.) inhérent au parc immobilier des villes belges où la rénovation est largement majoritaire et la logique du palimpseste incontournable. La procédure des Contrats de quartier durable apparaît ainsi dès 1994. Ces Contrats lient la Région de Bruxelles-Capitale à ses 19 communes pour lutter contre la multiplication des quartiers précaires et les délais administratifs trop longs de la construction. Un urbanisme d’acuponcture dont découle, parmi des centaines d’autres, le projet salué par le prix de l’architecte émergent Mies van der Rohe 2017 : les logements sociaux Navez Portaels des bureaux MSA et V+.

Ce prix, souligne Anna Ramos, Directrice de la Fondation, récompense «une démarche héroïque et ordinaire». Une démarche dont peut se targuer l’ensemble des projets présentés dans cette exposition Import WB _Export BCN. Re-activate the city.


Par Audrey Contesse, architecte, commissaire d'exposition, critique et journaliste.


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