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architectsassocPublié le 12/09/2016
Carte blanche : architectesassoc. - "Architecture of necessity"
Au printemps dernier, architectesassoc. a été invité par les commissaires de l’exposition ARCHITECTURE OF NECESSITY, un événement triennal encourageant les « débats sur les valeurs fondamentales de l’architecture», à soumettre un projet pour 2016. C’est GREENBIZZ, un projet profondément engagé achevé cette année par architectesassoc., qui a été présenté.
Depuis ses débuts en 2009, ARCHITECTURE OF NECESSITY, qui s’est tenu au Virserums Konsthall en Suède, s’est muée en vitrine diversifiée des meilleures pratiques à travers le monde, en conformité avec un Manifeste mettant l’accent sur cinq thèmes fondamentaux : l’architecture doit être responsable, diligente, durable, juste et ouverte.
L’invitation à soumettre un projet met en évidence le savoir-faire à long terme du bureau en matière de design, reconnu à l’extérieur de la Belgique. Il en va de même pour sa participation à des conférences telles que le 2013 AJ GREEN RETHINKà Londres, ou à des initiatives telles que le BRUSSELS BUILDS GREENER, lancé par Cécile Jodogne, Secrétaire d’Etat de la Région de Bruxelles-Capitale, en charge du Commerce extérieur.
GREENBIZZ a été inauguré en avril 2016. Il est situé sur un site industriel de 4 hectares, pollué et longtemps laissé à l’abandon, à proximité du centre-ville. Sa conception a été financée par des fonds européens du FEDER et par le client CITYDEV, une institution publique assurant la promotion du développement économique et du logement à prix abordable dans la Région de Bruxelles-Capitale. Sa position stratégique au cœur d'un quartier qui regorge de potentiel, au carrefour de deux structures urbaines très contrastées, explique son objectif majeur.
Comment cet objectif est-il atteint à la lumière des cinq thèmes mis en avant par l’exposition ARCHITECTURE OF NECESSITY?
Tout d’abord, les deux phases imposées sont positionnées sur le site de manière à définir une nouvelle place publique. La Phase I, qui vient tout juste d’être achevée, comprend des ateliers destinés à des entreprises et spin-offs en lien avec l’environnement, un incubateur et un ensemble d’équipements supplémentaires ouverts au public, dont des salles d’exposition et un café. La Phase II comprend des ateliers avec des espaces de bureau classiques à l’étage. L’espace ouvert situé entre ces deux phases, soigneusement conçu, offre une transition entre le quartier sud plus industriel et le quartier nord davantage urbain et résidentiel. Il se situe dans la no-fly zone entre ces deux territoires apparemment opposés. Son organisation dynamique et perméable de volumes construits et non construits, la mission de l’ensemble en vue de créer de l’emploi éthique et son identité durable clairement exprimée portent toutes le même message: le design durable peut et doit être bien plus que la simple mise en œuvre de l’efficacité énergétique et l’approvisionnement en matières respectueux de l’environnement. Le design durable doit porter sur la mise en œuvre de l’espoir. Par conséquent, GREENBIZZ remplit son rôle de catalyseur de façon responsable: encourager à la fois les gens du quartier et les entreprises installées dans ses murs, les adultes et les enfants, à participer à l’émulation collective abritée en son sein.
Toute décision, tout arbitrage, compromis ou jugement, tient compte des besoins et des aspirations formulées non seulement par l’entité commanditaire, mais également par la population locale consultée sur une base régulière par une société de conseil désignée, présente bien avant le lancement même de la conception. Cet effort constant et soutenu en vue de respecter les aspects à la fois tangibles et non tangibles du dossier donne lieu à la formulation volumétrique pertinente de ces besoins et aspirations.
Le dossier du concours prévoyait un espace commun pour accueillir les personnes travaillant sur le site et gravitant autour des sociétées hébergées, mais également pour accueillir la population locale. De ce fait, le hall de la grande entrée, un espace inondé de lumière doté d’une belle hauteur sous plafond, occupe judicieusement le coin le plus stratégique du site. Le hall ouvert et modulable permet d’accueillir des expositions, des réunions, des activités de groupe ou d’autres événements, et est complété par une cafétéria qui devrait s’étendre sur la rue et la nouvelle place lorsque le temps le permet.
Les ateliers, d’une hauteur sous plafond de six et huit mètres, se font face de part et d’autre de deux allées extérieures couvertes, fédérant les activités très diversifiées agencées le long de celles-ci. Ces allées sont des espaces communs partagés, perméables et transparents sur leur axe nord-sud, offrant un spectacle d’animation bouillonnante aux voisinage au niveau de la rue mais également au niveau de l’incubateur situé en surplomb. Tous les accès des véhicules (camions, voitures, livraisons, ...) sont concentrés côté sud, sur la rue Lefèvre, le côté le plus bruyant et plus emprunté par le trafic, ce qui offre, en soi, un calme relatif aux trois autres côtés.
Les deux allées sont reliées au nord à une promenade perpendiculaire longeant le quartier résidentiel et l’allée commune parallèle proposée. Cette promenade retourne directement au hall d’entrée et débouche à l’extérieur sur la place ou, en haut, sur l’incubateur au niveau des toits. Cet axe pédestre est-ouest, utilisé tant par les locataires des ateliers que de l’incubateur, est visible sur toute sa longueur côté rue, dans l’espoir de faire de l’animation qui règne au sein du bâtiment l’élément accrocheur, davantage que le bâtiment en tant que tel.
Enfin, l’incubateur, qui surplombe les ateliers mais qui n’occupe qu’un seul étage, se fait simple et discret afin de garantir une pénétration maximale du soleil dans les logements situés de l’autre côté de la rue. Il enjambe les allées extérieures situées en contrebas, et se déploie délicatement autour de deux patios ensoleillés, selon un canevas répété destiné à faciliter une évolution future.
GREENBIZZ concrétise dès lors avec diligence l’attention persévérante accordée aux besoins définis à la fois actuels et futurs.
Des critères durables appliqués à GREENBIZZ, bien que rigoureusement conditionnés par un contrôle budgétaire et systématiquement recontextualisés eu égard à des problèmes environnementaux plus globaux, ont joué un rôle majeur au niveau de la détermination des principes de construction et de la performance énergétique (entraînant la création d’espaces de travail à consommation d'énergie quasi nulle, passifs et à basse énergie). Les options structurelles sont guidées par le besoin d’inertie thermique. La conception de l’enveloppe du bâtiment et le choix des matériaux sont guidés par des considérations écologiques: créer des espaces de travail sains, optimiser la durée de vie, limiter les transports et réduire l'impact du site. Par exemple, du bois de construction en provenance de forêts européennes est largement utilisé pour les constructions de façade et le revêtement. Les revêtements intérieurs sont en bois lasuré, sans vernis, ce qui génère une régulation naturelle de l’humidité. Les terrasses sont en robinier (une essence de bois de construction en provenance du nord de l’Europe, fiable et adaptée à un usage extérieur). Un revêtement en plastique recyclé/recyclable est utilisé au niveau des allées. L’aluminium est anodisé, et rarement peint (ce qui rend le recyclage beaucoup moins énergivore). Les éléments de façade sont assemblés à proximité du site, mais à l’extérieur de celui-ci, ce qui garantit un contrôle de la qualité de haut niveau et, de ce fait, un entretien minime. Une préfabrication à grande échelle limitant l'incidence sur le site est systématiquement pensée pour les façades, pour la structure porteuse, et même pour des éléments plus petits tels que les ferronneries ou la verrière couvrant les allées extérieures.
Notons que GREENBIZZ n’incarne pas le résultat final ou le produit final de l’une ou l’autre des activités individuelles qui se déroulent en son sein, malgré le caractère durable de leur production... GREENBIZZ est résolument enthousiaste et incarne plutôt l’expérience fédératrice qui se déroule dans ces espaces de travail, l’effort collectif, l’émulation, l’échange trépidant. Depuis le premier jour, il a été primordial d’exprimer le «travail» comme étant une expérience vivante, à partager, perméable, responsable et en particulier accessible à tous et toutes, de manière impartiale et sans exception. Aux nouveaux locataires, bien entendu, mais en particulier aux enfants du coin qui arrêtent leurs jeux de ballon sur la place et viennent jeter un œil à l’intérieur (en se disant « Tiens, moi aussi je pourrais faire ça ! »), et aux jeunes à la curiousité piquée, observant dans les allées extérieures le ballet intriguant des chariots de transport.
Le défi majeur du projet, qui englobe une multitude de critères techniques intriqués, va bien au-delà de l’énergie renouvelable ou de la durée de vie, ou de l’herméticité, ou du photovoltaïque. Il consiste plutôt à amorcer justement des activités humaines positives dans une partie de la ville qui bouillonne grâce au potentiel exceptionnel offert par la diversité: il s’agit de mettre en lumière et d’encourager l’énergie humaine.
Pour toutes ces raisons, GREENBIZZ a été conçu de manière transparente et perméable, exprimant l’échange et l’osmose... un vivier d’émulation collective enrichi par la conscience environnementale. L’architecture concerne l’identité et à ce titre, l’identité de GREENBIZZ est ouverte et interactive, les formes bâties et non bâties ne suggérant pas seulement un certain dynamisme, mais également une volonté de partager ce dynamisme avec son contexte humain, en tenant compte de la nature globale des aspects sociaux, contextuels, économiques et culturels concernés, chacun de ces aspects ne pouvant être vus qu’à travers le prisme tout puissant de l’empathie.
Par architectesassoc.
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