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Auteur
Jean-Didier Bergilez

Publié le 09/10/2013

"[Re]Nouveaux Plaisirs d'Architecture #3"

Eva Le Roi, Climax, 2013
© Éva Le Roi, Climax, 2013
Ouverture
 
Le son de la trompette est si délicieux,
Dans ces soirs solennels de célestes vendanges,
Qu'il s'infiltre comme une extase dans tous ceux
Dont elle chante les louanges.
Charles Baudelaire, «L'imprévu», in Les Fleurs du Mal
 
[Re]Nouveaux Plaisirs d'Architecture #3
 
Même si d'aucuns considèrent que l'architecture est petit à petit (re)devenue une discipline culturelle en Belgique francophone, force est de reconnaître, parallèlement et non contradictoirement, que la place donnée à celle-ci, à ses manifestations les plus émergentes, les plus «expérimentales», les plus instables, reste fragile. Pourtant, c'est aussi et surtout de ce côté que peuvent et doivent se tourner nos regards en espérant identifier celles qui, peut-être, compteront demain.
 
Sans jeunisme outrancier, avec une bonne dose de lucidité, et toutes les réserves nécessaires, la troisième édition de [Re]Nouveaux Plaisirs d'Architecture entend poursuivre les objectifs qui avaient déjà été identifiés comme fondamentaux dans les deux premières éditions de cet événement, initié en 2004: la recherche, l'identification, la valorisation et la discussion d'une architecture dite «émergente» en Fédération Wallonie Bruxelles.
 
Depuis 2004 pourtant, les choses ont heureusement singulièrement évolué et les cadres politique et culturel qui, à l'époque, apparaissaient comme de belles steppes désertiques, se révèlent aujourd'hui beaucoup plus armés, actifs et productifs de choses qui ne manquent pas d'intérêt en matière d'architecture. Il suffit de regarder un instant en arrière et à côté et d'apercevoir les expositions, publications, cycles de conférences, mais aussi les dispositifs réglementaires, légaux, d'incitation et de valorisation mis en œuvre par les pouvoirs publics, ou encore la place donnée à l'architecture dans les médias, écrits, télévisuels, web, pour se rendre compte que l'époque change, petit à petit, et que l'architecture évolue également.
 
Indéfectiblement, nous pensons cependant qu'il est encore et toujours nécessaire de parler d'architecture, de la montrer, d'en débattre. Parce que le champ de l'architecture se renouvelle, dans ses ressources humaines, dans ses pratiques et dans ses représentations, mais aussi parce que ce souffle nouveau offre également l'opportunité de ne plus se consacrer à l'urgence de rendre visible une jeune génération d'architectes pour se concentrer plus spécifiquement sur les plaisirs d'architecture, le pluralisme de la production et le partage de points de vue.
 
Partant de/portant ces objectifs, en tandem avec le commissaire de l'exposition R.N.P.A.#3, Pablo Lhoas, nous nous sommes penchés sur les petites trajectoires de jeunes pratiques architecturales non seulement pour ce qu'elles sont d'ores et déjà, mais aussi pour ce qu'elles pourraient être et devenir, et enfin surtout pour l'implication qu'elles pourraient avoir sur notre environnement et notre manière de l'envisager, de le vivre, de le penser. R.N.P.A.#3 présente et rassemble sous une même bannière neuf pratiques, neuf productions, neuf bureaux, collectifs, architectes: adn architectures, v. p. alexis, Label architecture, LLAC architectes, Radim Louda, orthodoxe, SPECIMEN, VERS.A et V.O. Ceux-ci participent, depuis peu, et à divers titres, à cette extension du domaine de l'architecture.
 
Entendons-nous bien: loin de nous la prétention de dévoiler, reconnaître et valoriser des pratiques stabilisées à prendre en exemple. Les singularités respectives de ces neuf pratiques les inscrivent très clairement dans un environnement culturel en changement, modifié entre autres par ce dont leurs prédécesseurs ont permis la mise en œuvre, en phase avec d'autres pratiques, architecturales mais pas seulement, d'ici et d'ailleurs, d'aujourd'hui et d'hier. Loin de nous la volonté de formaliser une identité architecturale, que du contraire. À contre-courant sans doute des dernières manifestations collectives de la fin de l'année 2012 à Bruxelles et en Flandre particulièrement, l'enjeu reste d'élargir les référents et de mettre en lumière le pluralisme des pratiques. Les éditions précédentes de R.N.P.A. ont montré, si c'était nécessaire, et celle-ci le fait encore, la multiplicité des approches, la variété des trajectoires, la richesse des productions et l'inadéquation d'un propos unifiant.
 
Offrir à ces neufs visages de l'architecture un podium précoce[1] révèle notre croyance en la nécessité toujours effective de le faire. Et si la décennie qui vient de passer semble faire preuve d'un heureux renouvellement des débats, des politiques, des productions de l'architecture en Belgique, en Wallonie, à Bruxelles entre autres, et si la prudence et la lucidité restent de mise quant à l'importance à donner à ceux-ci, il n'en reste pas moins possible pour autant de sourire et de chanter, avec enthousiasme – l'enthousiasme de l'observateur attentif – les louanges d'un vent rafraichissant.


[1] «La probable nécessité d'un podium précoce» est le titre – toujours d'actualité - du texte introductif de Vincent Brunetta à l'exposition SUPERNOVA. Jeune architecture belge présentant 44 figures de l'architecture émergente en Belgique en 2000.
 
Jean-Didier Bergilez est licencié en philologie romane, agrégé et architecte. Il enseigne à la Faculté d'architecture de l'ULB/ISA-La Cambre (Bruxelles) depuis 2002 et y coordonne depuis 2007 le Laboratoire d'Histoire, Théorie et Critique et depuis 2011, hortence, centre de recherche Histoire, Théorie, Critique de la Faculté. Il a fondé en 2005 le bureau Label Architecture. Depuis 2006, il est membre de A16, plateforme éditoriale pour la réflexion architecturale en Belgique. Depuis 2012, il est membre du comité de rédaction de Criticat. Il est également commissaire d'expositions et à co-dirigé plusieurs plublications.

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